LES MUSES DU NET- Le webzine internénettes

Nous avions rendez-vous en cette maussade journée d'automne. Elle avait insisté lourdement devant le peu d'enthousiasme dont je faisais preuve pour la rencontrer: "Tu comprends, je ne suis pas dans une dynamique de rencontre en ce moment, j'ai eu mes règles la semaine dernière, j'ai un bouton sur le menton, ma meilleure amie s'est fait larguer par son mec, j'ai un string qui a viré au rose lors de ma dernière lessive, j'entame une phase de dépression saisonnière, j'hiberne comme la marmotte qui s'est fatiguée tout l'été à emballer du chocolat dans du papier mauve, ma voiture a pété une durite et moi aussi...".

Bref, je n'étais pas très disposée à m'asseoir à une table de café devant une parfaite inconnue et à parler des aléas météorologiques, des dernières fonctionnalités de Gayvox, des trois/quatre bars lesbiens de la capitale dont j’ai largement fait le tour, de la dichotomie butch/féminine dont je n’ai que faire, et tous autres sujets aussi passionnants.

Mais j’ai cédé (faible être que je suis!).

Je l’ai donc retrouvée devant le lycée Victor Hugo. Je fus surprise d’y trouver là une jolie jeune femme, très élégante dans sa jupe et ses bottes de cuir, n’ayant pas grand-chose à voir avec la photographie que j’avais en ma possession.

Nous avons ensuite bavardé pendant des heures dans un café de la rue des Archives, jusqu’à ce que vienne l’heure à laquelle j’avais rendez-vous avec une amie pour dîner. Regrettant sincèrement de devoir mettre un terme à notre entretien, je me suis confondue en excuses et l’ai saluée devant le Starcooker. Nous nous sommes fait la bise, mais la bise a… dérapé.

Enfin, légèrement. Ses lèvres sont venues se poser sur la commissure des miennes (??!).

Au restaurant, avec l’amie en question :

- « Que se passe t-il, tu as l’air ailleurs ? »

- « Euh… écoute je viens de rencontrer une nana là, elle m’a dit au revoir, et je crois bien qu’elle m’a fait une bise dérapante… Bon, je dois me faire des films, mais j’ai l’impression que c’était fait exprès. Je ne la connais pas, c’est gonflé quand même ! En tout cas, elle ne m’aura pas comme ça, je ne suis pas du genre à me laisser faire la première fois, ni même la deuxième !».

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Deuxième rendez-vous, mes troubles de vierge effarouchée sont retombés. D’autant que la demoiselle laisse filer les heures sans rien laisser paraître.

La bise dérapante n’aura donc existé que dans mon imagination.

Elle me balade de rues en rues, de quartiers en quartiers, avec un détachement qui lui est propre. Mon attention est donc relâchée, et voilà qu’elle me fait faire plusieurs fois le même tour de pâté de maison, et m’embarque dans une ruelle fantôme où les habitations semblent quelque peu délabrées. Le coupe-gorge idéal. Je ne remarque rien, très accaparée par mes grands discours de lesbienne qui a tout vu tout connu...

Elle stoppe soudain sa course devant un échafaudage qu’elle admire les mains sur les hanches. J’ai pris de l’avance, mais je reviens sur mes pas pour lui demander pourquoi elle s’est arrêtée, et me mets à regarder en l’air également.

C’est là que je sens deux mains m’enserrer la taille et me voilà absorbée par sa bouche sans que j'aie pu bouger un pouce, tout juste ai-je le temps de m’étonner :

« Mais euh…. Que se passe t-il ? » (oui, je sais, j’aurais pu m’abstenir, mais dans la surprise, on ne contrôle pas toujours ses conneries verbales !).

Où suis-je, où vais-je, dans quelle étagère ? Que se passe t-il? Mon Dieu, je crois bien qu'une femme est en train de m'embrasser et moi je me laisse faire...

Bon sang, je crois bien que je me suis fait surprendre comme une débutante !

Mais qu'est ce que c'est bon!