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Hommage à une ombre du Lycée Ronsard

Il règne dans la classe en cette matinée de printemps une quiétude propice à toutes sortes de divagations oniriques. Les fenêtres sont ouvertes et le babillement d'un merle me distrait un instant d'une énième leçon sur les figures de style.

J'aurais aimé être poète ou écrivain pour louer toutes les merveilles de la nature, le chant des merles ou d'autres curiosités de ce monde, narrer quelque conte ou fable en me souciant comme d’une guigne si telle ou telle expression est une synecdoque ou une métonymie. Loin de la rationalité scientifique et mathématique, faire des choses qui ne font pas avancer le monde, en somme.... m'associer à elle pour écrire, rêver, écrire... Avec elle.

- « Mademoiselle, Mademoiselle? Vous rêvez? Tenez, venez donc sur l'estrade nous commenter ce vers du Cid... »

Prise en flagrant délit de rêverie, je gagne sous le regard inquisiteur de mes camarades de classe l'imposante estrade qui émet un curieux craquement à mon passage. A cet instant, je croise son regard et déjà, je sens mes jambes se dérober sous moi... Un regard bleu et intense, mais empreint d'une sorte de tristesse qui me touche. Ce regard là transpire la mélancolie d'un Chateaubriand, le spleen d’un Baudelaire, ce regard transperce, me transperce. 

- « Euh..... "Chimène: Va, je ne te hais point ».

 - « Oui... je vous écoute Mademoiselle... »

 - « Euh.. Oui...donc... euh... Il s'agit là d'une litote. Cela consiste à dire peu pour suggérer beaucoup. Le verbe est en général à la forme négative. En somme, Chimène veut signifier à Rodrigue qu'elle l'aime ».

Sachez, Madame, que je ne vous hais point non plus, mais ça, bien sûr vous ne le savez pas...  

Surtout ne pas la regarder.

- « Très bien Mademoiselle, je vois que pour une rêveuse vous êtes plutôt bonne élève. Si tous les rêveurs de cette classe pouvaient l'être autant, nous pourrions appréhender l’épreuve du bac français avec davantage d’optimisme ! »

Ce compliment me ravit, je rejoins ma place le visage illuminé par un sourire béat. Etre une bonne élève, c'est déjà me faire aimer un peu d'elle. Aussi fais-je tout pour l'être. La littérature est en passe de devenir une passion, alors qu'elle m'avait parue si fade enseignée par d'autres...

Mis à part son emploi du temps que je connais mieux qu’elle, je ne sais pas grand-chose à son sujet, si elle a quelqu'un dans sa vie, si cette personne est en mesure de la combler. J’ai l’intime conviction qu’elle est quelqu'un de profondément seul, mais peut-être me trompe-je.

Je suis une élève discrète, mais je fais tout pour qu'elle me remarque, qu'elle capte  mon regard, qu'elle y lise que moi je la comprends. Que je comprends ses angoisses, ses errements, les moments où elle cesse de parler pour fixer un point invisible par la fenêtre pendant de longs instants, comme si elle s’envolait de la classe par la pensée.

Elle pourrait être ma mère mais je ne puis m'empêcher de la trouver belle. Je ne la désire pas, je l'admire.

Je profite allégrement de ma position d’élève pour dévorer du regard cette fine silhouette tout de noir vêtue, elle du haut de son estrade, vague piédestal, moi à mon pupitre, captivante contre-plongée.

J’ai lu son roman maintes et maintes fois, et je conserve la dédicace qu’elle a apposée sur la couverture comme une relique à la valeur inestimable.

"Pour Sappho, une élève secrète et intense, … qui a un peu perdu de sa réserve en cours d’année. ChaleureusementCatherine".

Je connais par coeur cette dédicace qui est pour moi la plus belle des poésies que l'on m’ait offerte. Toutes les lettres des garçons de mon age m’ayant déclaré leur flamme ne sont que fades et vides de sens à côté de ces quelques mots.

Tous ces garçons que j’ai occultés le temps d’une année scolaire, l’année de seconde, seule et unique année où j’ai pu boire ses cours, plonger dans ses yeux, m’enivrer de sa littérature… 

Lycée Ronsard, 1995. 

Une vocation saphique était née.

Ecrit par Sappho, à 20:32 dans la rubrique "Sappho'l'détour".

Commentaires :

  Oeil-de-nuit
27-11-04
à 17:23

j'ai l'impression que tout ça j'aurais pu l'écrire (certe avec bcp moins d'aisance!). ça fait vraiment bizarre de lire quelque chose que l'on a vécu! ...mis à part la dédicace! :)

  Sappho
28-11-04
à 00:39

Re:

C'est une prof de français aussi?

  Oeil-de-nuit
28-11-04
à 12:31

Re: Re:

eh voui! :)

  Pseudonyme
30-11-04
à 21:13

Re: Re: Re:

Etrangement je vis la même chose et egalement avec ma prof de FRANCAIS ! Je vais finir par croire que c'est le plus beau métier du monde ;)

  Sappho
30-11-04
à 21:47

Re: Re: Re: Re:

Je le savais.... j'aurais du faire prof!



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