Cher Dieu,
Je ne sais pas si tu existes, mais j'ai envie d'y croire quelque fois, même si tu n'as jamais entendu mes prières.
J'ai eu 11 ans hier. Maman a organisé pour moi une fête d'anniversaire avec mes copines du collège. Ca s'est bien passé, j'étais contente, j'ai eu beaucoup de cadeaux, mais je ne sais pas si cela suffit pour me rendre heureuse.
Papa n'est pas passé comme il avait prévu de le faire. Il m'a envoyé un chèque par la poste avec deux lignes me souhaitant un bon anniversaire.
Depuis leur séparation, Papa et Maman n'arrêtent pas de se disputer, et Maman n'a pas voulu qu'il remette les pieds à la maison. La dernière fois, il a pris des assiettes et la moitié des albums photos. Ce n'est pas plus mal, au moins, je n'entends plus ces cris stridents de Maman, les vilains mots de Papa, et les bruits sourds des objets qui sont projetés sur le carrelage froid de la maison. Je n'ai plus à me terrer dans ma chambre, à attendre la tête dans l'oreiller que ces bruits oppressants veuillent bien cesser.
Parfois, j'ai envie de grandir d'un coup pour pouvoir partir d'ici avec un beau fiancé...
Je n'ai jamais vu autant Maman pleurer que depuis ces derniers mois, elle est amaigrie, elle nous hurle dessus sur Olivier et moi, surtout sur Olivier, car il a de mauvaises notes à l'école. Elle nous cache des choses, à mon frère et à moi, j'ai beau n'avoir que 11 ans, je suis une grande et je ne suis pas dupe. Elle dit que Papa a quitté la maison car il a rencontré une dame. Elle dit que Papa est un salaud, que cette dame n'est qu'une "pouffiasse" qui a brisé son ménage.
Je sais bien que Papa a rencontré une dame. Dans le petit appartement qu'il a loué en ville, où nous sommes obligés d'aller tous les 15 jours, j'ai trouvé sa brosse à dent, son parfum, et même quelques photos dissimulées. Des traces d'elle qui m'indisposent. Les traces d'une étrangère dans l'univers de Papa, et donc dans MON univers. Je ne le supporte pas, ça me fait pleurer la nuit quand je suis toute seule dans ma chambre. Je fais des cauchemars aussi.
J'ai dit à Maman que je ne voulais plus aller chez Papa, mais elle dit que le juge m'oblige, que je n'ai pas le choix. Je n'ai pas envie que le juge me mette en prison, alors je vais chez Papa. Et puis, c'est bien parce que Papa a acheté le jeu des Sims sur la Playstation.
Une fois, alors que Papa était encore avec Maman, j'ai surpris un coup de téléphone de la dame. J'ai bien vu qu'il en était géné.
Je ne sais pas si j'en veux à Papa, même si Maman dit que c'est un salaud. J'en veux surtout à la dame. Maman dit que Papa se rachète une conscience en nous payant des bonbons, des consoles de jeux...
Je ne sais plus ce que je dois penser, si Papa est un salaud ou pas.
En attendant, du haut des mes 11 ans, et en tant qu'ainée de la famille, je me sens le devoir de protéger Maman. Je suis une fille, et pourtant j'ai parfois l'impression de jouer le rôle de l'homme de la famille. J'ai même commencé à planter un potager dans le jardin. J'ai des cloques sur les mains à cause de la binette.
J'ai dit à Maman que je la vengerai, alors j'ai mis du dentifrice dans le pyjama de celle qui partage le lit de Papa.... Ca lui apprendra à avoir fait du mal à ma famille. Papa m'a grondée, mais je m'en fiche.
J'avais dit à ma copine Aurélie que jamais mes parents ne divorceraient, pour moi ce n'était pas possible. Et pourtant, bien au delà des parents, ce sont les deux familles qui se sont déchiré. Je me souviens encore d'un anniversaire de mon frère qui s'est terminé dans les insultes et les pleurs. Ma tante nous avait fait monter dans notre chambre et on avait mis la musique à fond pour ne rien entendre.
Je ne sais pas pourquoi, cher Dieu, tu veux que je sois le témoin de tout cela. Peut-être que tu as une mission à me confier qui sait...
En tout cas, si je t'écris, c'est que j'ai envie que tu m'aides à protéger Maman et Olivier pour pas qu'il soient malheureux, et que je puisse avoir des bonnes notes à l'école, pour que Maman soit fière de moi.
Et fais aussi qu'il n'y ait plus d'enfants comme moi qui souffrent des bétises de leurs parents...
Elisa.
à 16:42