- "Voilà votre clef madame, chambre 202, au deuxième étage".
- "Je vous remercie."
Me voilà donc dans mon hôtel après une journée harassante passée dans des réunions aussi rébarbatives que stériles. J'ai enfin une heure à moi pour me détendre, me prélasser dans un bon bain chaud avant le dîner, et quitter ce tailleur étriqué d'executive woman et ces talons qui endolorissent mes pauvres petits petons.
Pouvoir m'abandonner dans mon jus de cadre dynamique est pour moi de l'ordre du luxe, n'étant propriétaire (que dis-je, locataire) que d'une douche, pleine de calcaire de surcroît (petit aparté: j'attends toujours que la souriante tante Odile de la télévision vienne astiquer ma douche à l'Antikal avec l'engouement qu'on lui connaît et que le viril Monsieur Propre vienne faire travailler ses biceps dans mes latrines). Je profiterai donc d'être à l'hôtel pour faire quelques ablutions en bonne et due forme, loin des basses préoccupations ménagères.
Enjouée, je prends donc mon bagage et l'ascenseur jusqu'au deuxième étage, et me poste devant la porte de la chambre afin d'introduire la clef dans la serrure.
Comme je n'ai pas beaucoup de chance avec les portes de chambres d'hôtel (d'habitude, je me débats en moyenne une dizaine de minutes avec les cartes magnétiques des hôtels Mercure), je ne m'étonne pas que la clef résiste quelques secondes, avant de s'ouvrir finalement sur une vaste chambre avec une vue imprenable sur le phare de Cordouan et son tapis d'écume.
C'est ici généralement que l'on pousse un cri de soulagement ("rhaaaaa!!") en s'étalant de tout son long sur le grand lit qui nous tend les bras. J'aurais été un homme, j'aurais envoyé valdinguer la cravate au delà du lit, mais je me suis contentée de déballer ça et là mes multiples accessoires de beauté (ou de mocheté, c'est selon) qui occupent généralement un bon tiers de mon sac. C'est ma façon à moi de marquer mon territoire.
Dans cet instant de plénitude, j'en profite pour commencer à me faire couler un bain, et me déshabiller en conséquence.
Soudain, alors que mon peton droit entame une immersion dans l'eau chaude et moussante du bain, la serrure émet un bruit que je prends d'abord pour une nuisance de voisinage, mais qui se concrétise par un claquement de porte. Dans ma chambre.
Gloups, j'ai comme l'impression que quelqu'un a fait une incursion inopinée dans mon antre. Une femme de chambre peut-être...
Je me rhabille donc à la hâte et décide d'attaquer la bête de front.
Je pointe mon nez hors de la salle de bain, et là, surprise: il y a un homme dans ma chambre!!
Et pas n'importe lequel, il s'agit d'un cadre supérieur de ma boîte. Aïe!
Il semble tout aussi ébété que j'ai l'air honteuse, et finit par ressortir, confus de me surprendre en pareille circonstance, mais en marmonnant "je ne comprends pas, j'ai bien la clef pour la chambre 203...".
Je me précipite donc vers la clef de la chambre, laissée à l'abandon sur la tablette à proximité de la télévision, et y déchiffre le numéro: 202, et je suis.... dans la chambre 203!
"MERDEEEEEEE... je me suis gourée de chambre!!"
Confuse, je me précipite à la porte de la chambre derrière laquelle l'homme injustement évincé attend, quelque peu éprouvé par cette rencontre fortuite, et je me confonds en excuses...
Je viens de me payer la honte comme il y a longtemps que cela ne m'était pas arrivé.
Et si Gaston Lagaffe avait une fille spirituelle?
à 23:47