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S'il est un endroit où l'on devrait se garder de se trouver un 24 décembre au soir, c'est bien les urgences d'un hôpital.
Non qu'il y regnât une ambiance plus désagréable que de coutume (je crois de toute manière qu'il vaut mieux éviter les urgences en particulier et les hôpitaux en général quelle que soit la date!), mais pour un 24 décembre, il est des endroits plus gais pour réveillonner.
Malgré mon aversion caractérisée pour les fêtes de Noël, je crois définitivement qu'il vaut mieux souffrir la dégustation de la dinde farcie en famille que le hachis parmentier hospitalier et surtout l'ambiance environnante.
L'atmosphère qui règne dans l'antre hospitalier un soir de réveillon ajoute un caractère lunaire supplémentaire à un service public qui l'est déjà un peu par nature.
Une certaine ambiance vaguement festive véhiculée par le personnel hospitalier se mêle à la maladie, au sang, au mal-être. Les rires et les blagues grivoises des soignants se superposent aux râles, aux cris, aux pleurs.... Spécial.
Ici et là, des patients en brancards attendent des heures dans un coin de couloir, faute de box disponible, qu'un médecin urgentiste veuille bien examiner ici un bobo, là une pathologie critique, un sans-abri requiert bruyamment une soupe, un infirmier serpente entre les brancards avec des bois de rennes en peluche en guise de serre-tête en chantonnant un air de Noël, des policiers attendent patiemment que le psychiatre de garde vienne examiner un aliéné fraîchement cueilli dans la rue pour trouble à l'ordre public.
Je connais bien cette cour des miracles moderne pour y avoir oeuvré lors de mes vacances estudiantines afin de moisonner le pécule indispensable pour payer ma première voiture (j'avais en son temps pansé les plaies, attaché les fous aux brancards, distribué les urinoirs, lavé l'estomac de depressifs suicidaires, supporté les odeurs les plus innommables qui soient, nettoyé les corps estropiés, le sang, le vomi et les chiottes pour 7000 francs par mois), et je sais combien il est nécessaire pour le personnel soignant de déconnecter avec cette éprouvante réalité.
J'aurais sûrement revêtu les bois de rennes en peluche moi aussi.
Mais présentement, je me sens mal à l'aise. Et aucune fenêtre pour offrir un échappatoire à mes poumons comprimés par l'anxiété.
Dans le box, aussi spartiate qu'impersonnel, je fixe le rideau encore tâché de sang d'une précédente "urgence". Les heures s'écoulent au rythmne des sons émis par les éléctrocardiogrammes, des prises de sang, du goutte-à-goutte d'insuline de la diabétique du box voisin, des râles de la vieille du couloir qui respire bruyamment via un étrange tube et que l'on croit oubliée de tous.
Les râles redoublant, je frémis un instant à entendre un infirmier lui conjurer de "rester avec nous", puis le calme revient.
Après de longues heures d'attente, les brancardiers s'amènent enfin.
J'ai du réprimer une bouffée d'angoisse naissante lorsque l'ambulance avala le brancard sur lequel était allongé mon frère.
Il "fêtera" Noël dans un autre hôpital.
Commentaires :
Urgentiste à ses heures |
C'est tout à fait ça... Et c'est toujours étrange que de passer d'un côté à l'autre de la "barrière" soignant-soigné. J'espère que ton frère sortira vite pour fêter plus classiquement Noël.
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Linn 27-12-04
à 17:29 |
Re:Oui, c'est vrai que du côté soignant, j'ai eu l'impression (mais peut-être était-ce du à mon jeune age, 18 ans) qu'il régnait une sorte de légèreté au sein du personnel hospitalier qui cadrait mal avec la réalité de l'activité du service. C'était assez étonnant, et compréhensible en même temps. Je pense qu'il y a aussi une sorte d'accoutumance à la souffrance des autres, qui crée ce détachement nécessaire. En tout cas, on en ressort un peu différent. Pour compléter le prix de ma voiture, j'avais également travaillé dans un hôpital psychiatrique, et là, j'ai failli ressortir zinzin.... :-/ |
Melie 27-12-04
à 21:34 |
Re: Re:On se blinde c'est évident, mais c'est aussi un travail au quotidien, combien de fois ai-je dû retenir mes larmes devant un patient qui racontait ses souffrances... Le danger de l'empathie exacerbée.
C'est drôle, parce qu'à 18 ans j'ai bossé en HP un mois, et je n'ai pas l'impression d'avoir été mise en danger, pas du tout même. Je ne me souviens que des tâches désagréables, mais pas du retentissement psychique que cela a pu avoir sur moi. |
à 10:41